Histoire de supermarché

« Il n’est pas là le monsieur qui vend le journal ?
-         hein ?
-         Le monsieur à l’entrée qui vend le journal l’itinérant ?
-         Ah non, tient !
-         Bah oui, ça fait 4 jours que je ne l’ai pas vu.
-         C’est vrai, maintenant que vous le dites, il est toujours là ; ça fera 22 euros. »
….

« Bonjour monsieur, vous savez où est le monsieur de l’entrée ; je sais que vous discutez souvent avec lui…
-         non je ne sais pas, mais ne vous inquiétez pas »

Voilà deux conversations de supermarché. Deux conversations qui à elles seules caractérisent le monde moderne d’automates dans lequel nous vivons.
Nous évoluons dans un écosystème mené par les habitudes et les automatismes. Un écosystème ou les relations humaines sont reportées à un « quand j’aurais le temps ». C’est triste, mais c’est comme ça. On se soucie plus de la vie de personnages télévisuels fictifs que de ses propres voisins. On se cache derrière un « on à tous nos problèmes », même si quelque part c’est vrai. Et puis, on a pas le temps, le temps c'est de l'argent.

Depuis des années que je me rends dans ce supermarché, je croise tous les jours cet homme qui attend patiemment devant la porte que des personnes bienveillantes lui donnent une pièce en échange de son journal.
Il est poli, se plaint rarement et il travaille bien plus que la majorité des clients du magasin. Il est là, debout, toute la journée, tous les jours.

Le soir, avec sa recette, il fait ses courses dans le supermarché ; bien plus aguerri que n’importe quel autre consommateur, il doit être certain de son compte.

Parfois, je croise des gens qui discutent avec lui qui en plus d'argent lui donnent un peu de temps. Souvent il sourit. J’aime son accent, il n’est pas d’ici, une amie pense qu’il est slave.

Depuis 4 jours, il n’était pas présent à son « poste ». 4 jours et personne ne l’a vraiment remarqué. Les gens à qui j’en parle me trouvent tantôt compatissant, tantôt curieux ; ils y pensent, ils oublient aussi vite.


Hier, en allant chercher de quoi diner, je le recroise. Son visage est tuméfié.
Je le salue, et lui demande : Que vous est-il arrivé ?

Il a eu un accident en vélo, sa tête à cassé la vitre d’un autobus. Il est resté 3 jours à l’hôpital, il est sorti hier. Il est là aujourd’hui, parce que lui, les arrêts maladie, ça lui coûte trop. Quand on en parle, il dit : « j’ai eu de la chance ». Quelque part c’est vrai...

Je raconte ça, parce que... parce que j'en ai envie. On ne peut pas changer le monde, la malchance a toujours existé. Mais dans toutes cette histoire, je retiens qu’il sourit parfois quand on lui parle, et que de raconter son histoire lui a fait du bien. Bref, ce qui l’aide en plus du nécessaire argent, c’est le contact humain, qu'il se rassure quand il dit "j'ai eu de la chance" et qu'il puisse le dire à quelques uns.

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